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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 15:31

 

monuments-men.jpg             affiche-francaise-diplomatie.jpg

 

Deux films sortis en même temps relatent des faits historiques peu connus survenus lors de la débâcle allemande après le débarquement de Normandie, et portent sur des thèmes parfois similaires. L'un est réussi, l'autre raté.

 

The Monuments Men, de George Clooney.

 

En 44, face au péril encouru par les joyaux de l'art européen mis à mal par la guerre, l'armée américaine intègre une poignée d'experts, chargés de récupérer et restituer ces chefs-d'oeuvre. Il faut gagner cette guerre mais en préservant ces siècles d'art, sinon, l'Europe serait libérée mais sans âme. Ces oeuvres appartiennent au monde entier et doivent être sauvées. Ce groupe d'experts est pompeusement baptisé Monuments Men.

Ils tenteront avec plus ou moins de succès d'éviter que des monuments soient détruits par les combats, et surtout partiront à la chasse d'oeuvre d'arts. Amassées par les nazis dans le processus de spoliations de biens juifs, ces pièces devaient alimenter le projet délirant de musée du Führer à Linz, sa ville natale. Le groupe de pieds nickelés alliés doit non seulement faire face à la difficulté de mener cette chasse en pleine guerre, mais en plus avec l'objectif d'y arriver avant un groupe similaire soviétique, et avant que les nazis ne détruisent les oeuvres dans leur fuite.

Il est très louable à George Clooney d'avoir voulu rendre hommage à ces hommes sans qui des siècles d'Histoire européenne seraient partis en fumée. Mais le film est raté.

 

Cela commence pas mal. On pense à Opération Jupons de Blake Edwards, ou Allez coucher ailleurs d'Howard Hawks avec une brochette de personnages attachants et truculents. Mais très vite, le film s'essouffle, devient plat et ennuyeux. Les enjeux dramatiques sont mal posés et le film ne fonctionne pas, ni dans sa dimension divertissante, ni dans sa volonté didactique. Sincère dans sa dénonciation du racisme nazi, Clooney tombe facilement dans le manichéisme ou le message édifiant.

Pourtant il tenait là un super sujet.

 

Clooney a voulu faire son Inglorious Basterds, mais ça ne marche pas. N'est pas Tarantino qui veut. Il essaie de ridiculiser les américains dans leur inaptitude à parler une langue étrangère. Mais là où le rapport aux langues fonctionnait à merveille chez Tarantino, ici, cela tombe à plat.

Dans Inglorious basterds, le jeu sur les langues est au service d'un discours plus ambigu proche de celui du Pianiste de Polanski : l'art, la culture, le raffinement ne nous sauvent pas de la barbarie. C'est en Europe, malgré des civilisations cultivées qu'ont commencé deux guerres mondiales atroces. Et ce sont au contraire de fieffés bourrins américains qui viennent combattre des nazis raffinés. Dans Monuments Men, les américains ne sont mus que par de nobles intentions, les nazis n'ont aucune profondeur, aucun autre attrait pour l'art que la volonté d'alimenter le musée d'Hitler, et les russes sont animés par la cupidité et la volonté de compenser leurs pertes à leur tour par le pillage des oeuvres. Les personnages russes sont d'ailleurs dignes de James Bond.

On sent Clooney fasciné par les années 40-50, une période qu'il utilise pour nous parler du présent. Dans son excellent Good Night and Good Luck, il nous parle autant de l'Amérique maccarthyste que de celle de Bush et du Patriot Act. Ici, on a le sentiment qu'il réactive le cinéma de guerre froide et la figure du méchant russe. Le film est plombé par un discours pro-américain étonnant de la part d'un citoyen plutôt lucide sur les travers de son pays.

 

 

Avec Diplomatie de Volker Schlöndorff, on a au contraire beaucoup plus de complexité. Pourtant le propos n'en est pas tellement éloigné.

Le film est une adaptation d'une pièce de théâtre inspirée de faits réels. L'intrigue se déroule lors de la nuit du 25 août 44 à l'Hôtel Meurice à Paris, où loge le gouverneur allemand de Paris, le Général Von Scholtitz. Les troupes alliées arrivent et Von Scholtitz a ordre d'Hitler de rendre Paris à l'état de ruines. Le consul de Suède Nordling passera la journée à l'en dissuader.

Les faits historiques ne se sont pas passés comme ceci mais peu importe. Dans un (presque) huis clos haletant, brillamment écrit et interprété (Niels Arestrup et André Dussolier) on voit alors la négociation se jouer comme une partie d'échecs tandis que les alliés avancent.

Il y est question de morale, d'éthique mais aussi de discipline militaire d'un côté (même si Von Scholtitz sait que l'Allemagne a perdu la guerre) et d'appel aux grands élans de l'autre (mais de cynisme aussi).

Surtout, il y a encore cette idée que la ville de Paris, ses monuments et à travers elle d'autres joyaux de l'Europe appartiennent à l'Humanité toute entière. Von Scholtitz n'a pas le droit de la raser et de tuer des milliers de gens pour le simple caprice d'un tyran en passe d'être déchu. Préserver Paris, c'est au contraire rendre de la dignité aux allemands et rendre possible une future amitié franco-allemande. Les monuments de Paris n'ont pas empêché la guerre et ses horreurs, mais en priver l'humanité future, c'est lui enlever de la beauté et de l'histoire pour se reconstruire. Et les bombardements dévastateurs alliés en Allemagne et Italie ne doivent pas servir de prétexte pour ne pas sauvegarder ces joyaux.


Il n'y a pas de surprise puisque Paris ne sera pas rasée, le matériau est moins spectaculaire que Monuments Men, et pourtant, quel suspense ! Comment Nordling va -t-il convaincre ce vieux militaire aristocrate qui a vécu deux guerres mondiales et qui sait celle-ci encore perdue pour l'Allemagne ? Avec beaucoup moins de moyens que Clooney, Schlöndorff sait mettre de la complexité de l'humain chez un dignitaire nazi, et de la part d'ombre chez le consul suédois. Une réussite.

 

Antoine Sindelar

 

Monuments Men, de George Clooney, 1h58

Diplomatie, de Volker Schlöndorff, 1h24

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 12:10

Pour mieux comprendre les extrêmes droites en Europe et leur dynamique actuelle, nous conseillons la lecture du dernier numéro de Manière de Voir. Disponible en kiosque.

http://www.monde-diplomatique.fr/mav/134/

Nouveaux visages des extrêmes droites

« Manière de voir » n° 134 — Avril - mai 2014

Trente ans de manifestations antiracistes, de pétitions indignées, de pamphlets assassins, de mobilisations morales n’auront rien empêché. Les droites extrêmes ont toujours pignon sur rue, notamment en Europe. Trente ans d’échec qui mériteraient, à tout le moins, que l’on s’interrogeât sur le diagnostic et, pourquoi pas, sur les éventuels remèdes.


 I. Au commencement était la haine raciale

 Malgré les horreurs du nazisme et les désastres du fascisme, certaines organisations se réclament de ces idéologies.Pour ces mouvements, l’antisémitisme — sorti de l’ombre au début des années 1980 — s’accompagne désormais d’une détestation des musulmans. Dans certains pays, c’est la haine des pauvres, considérés comme des sous-hommes, qui domine, se transformant en haine ethnique, singulièrement à l’encontre des Roms.

II. A la recherche de la respectabilité

 

A l’épreuve du pouvoir, certains partis politiques ont policé leur discours, en l’expurgeant des saillies les plus racistes. S’ils agrémentent leur programme d’un volet social pour conquérir de nouveaux électeurs, ils ne renoncent pas à leur fonds de commerce : nationalisme exacerbé et références ethniques.

III. Le cas français et l’irruption du social

 

A la tête du Front national jusqu’en 2010, M. Jean-Marie Le Pen s’est assuré le succès en surfant sur la vague de déceptions nées des politiques de droite et de gauche, tout en multipliant les provocations antisémites. Sa fille a enrichi sa palette et mis l’accent sur la peur de l’avenir des couches populaires et moyennes, sans rien abandonner des principes fondateurs.

IV. Le paravent culturel

 

Rien n’est possible en politique sans références culturelles, sans la mobilisation d’un imaginaire collectif — quel qu’en soit le support. Dans le Chili d’Augusto Pinochet comme dans la dictature militaire du Brésil, la télévision jouait le rôle de ciment idéologique. Au Japon, le négationnisme envahit les mangas, ces bandes dessinées si populaires. En Europe, les idées noires de l’extrême droite passent aussi bien par la musique que par le sport.

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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 17:41

couvertue john king

Lors de la dramatique affaire Clément Méric en juin dernier, le grand public s'étonnait que des militants antifascistes partagent les mêmes goûts vestimentaires que des néo-nazis.

Petit retour sur la culture skinhead et évocation du roman de John King judicieusement titré... Skinheads.


Le mouvement skin n'est pas historiquement lié à l'extrême-droite, ni à quelconque tendance politique d'ailleurs. C'est un mouvement d'extraction prolo, antibourgeois, majoritairement blanc né de la rencontre de mods des années 60 radicalisés en hard-mods et des rude boys jamaïcains, dont ils partagent le goût pour la sape, l'élégance du style, la musique et une certaine conscience de classe.

 

L'intérêt porté aux fringues et au dressing smart sera essentiel à travers des vêtements emblématiques comme les polos Fred Perry, la chemise Ben Sherman, le Levi's Sta-Prest, le manteau Crombie, les bretelles, la veste Harrington ou les chaussures Doc Martens. Autant de marques et attributs portés indifféremment aujourd'hui par les différentes tendances se revendiquant de l'héritage skinhead. En opposition aux rockers ou hippies jugés crasseux, il y a chez les skins une forme de fierté prolo : les vêtements marquent une appartenance à la classe ouvrière mais c'est pas pour autant qu'on ne doit pas bien présenter et être propre, quitte à se réapproprier des éléments de la culture bourgeoise. En adoptant la veste de golf Harrington, le skinhead exprime que rien n'est trop bon pour la classe ouvrière.

 

Autre marqueur décisif, le goût pour la musique jamaïcaine. Il est toujours déroutant pour un néophyte d'apprendre que les premiers fans blancs de ces musiques (ska, blue beat, rocksteady) seront les skinheads, à qui nombre de morceaux d'artistes jamaïcains sont dédicacés tant ils constituent leur meilleure troupe sur le dance-floor, au point de donner son nom à un mouvement musical, le skinhead reggae.

 

Mais le multiculturalisme a ses limites. Le positionnement prolo du mouvement skinhead britannique se double d'une revendication patriotique voire chauvine assumée, d'où le fait d'arborer l'Union Jack. Les immigrés jamaïcains sont respectés aussi grâce à leur volonté d'intégration au sein de la classe ouvrière. Par contre, la communauté indo-pakistanaise est vécue comme une menace à l'identité britannique prolo dont les skins se sentent les gardiens, d'où des agressions racistes contre les « pakis ».

 

Pour autant, cette première génération skin des années 60 reste plutôt fidèle politiquement aux travaillistes et le basculement d'une partie du mouvement vers l'extrême-droite se fera à la fin des années 70, avec la génération skin née à la suite du mouvement punk. Un revival skin (en parallèle d'un revival ska) qui s'oriente vers la musique street-punk et oï. Une scène dont une partie continue de porter un héritage antiraciste à travers les festivals Rock Against Racism (ou Fascism), et une autre qui au contraire se tourne vers le Rock Against Communism, entreprise de récupération du mouvement par l'extrême-droite et le National Front.

Malheureusement, ce tournant fasciste ternira le mouvement catalogué facho au grand dam des skinheads revendiquant un marquage antiraciste (SHARP) ou ceux politisés à l'extrême-gauche et dans les milieux antifascistes (RASH...) Pour mieux les différencier, il convient désormais de dire boneheads pour les skins fafs.

 

Finalement, les skinheads sont un peu des rescapés anachroniques d'un monde et d'une époque industrielles, un mouvement refusant une modernité capitaliste décrétant que la classe ouvrière est morte, et qui leur impose de rejoindre la classe moyenne. Les skins seraient en somme un des derniers mouvements de défense de la classe ouvrière britannique blanche. De cette résistance que le discours dominant veut rendre anachronique découle leur ambiguïté que dépeint John King dans son dernier roman.

 

Skinheads est immergé dans cette culture et ses codes : les fringues et la musique, la fierté prolo mais aussi le foot, le pub, la baston. John King est l'un des meilleurs écrivains actuels de/sur la classe ouvrière anglaise dont il connaît et décrit très bien les subcultures skinhead, punk, hooligan, etc.

On y suit Terry, de la première génération de skins, celle du Spirit of 69 attachée aux musiques jamaïcaines et son neveu Ray plus porté vers la Oï et le punk. A travers eux, ce sont deux pans de la culture skinhead qui sont référencés tout au long du roman


L'auteur a un peu tendance à se prendre pour Orwell ; malheureusement, un Orwell qui aurait plus développé sa tendance conservatrice qu'anarchiste (un Orwell à la sauce Michéa).
Le roman souffre alors parfois des réflexions conservatrices de ces personnages. En assimilant question sociale et question raciale ou en rejetant en bloc le modèle bourgeois, ils en viennent à honnir tout ce qui semble porter atteinte au bien-être de l'ouvrier blanc, y compris des avancées sociétales progressistes comme les questions homosexuelles ou de solidarité avec les immigrés. Mais John Kin

g restitue avec justesse la complexité des skinheads en tant que mouvement prolo blanc anti-bourgeois au patriotisme et conservatisme parfois limites. Sans cliché ni amalgame, mais avec ses ambiguïtés et ses évolutions.

 

Antoine Sindelar

 

Skinheads de John King, Points, 416 p. 7,7 €

 

Pour en savoir plus sur le mouvement skinhead et les boneheads :

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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 20:16

 

 affiche mandela

Mandela, un long chemin vers la liberté de Justin Chadwick

Il est rare qu'un biopic soit un bon film, encore moins quand il est tiré d'une autobiographie. Il est dommage que cela soit le cas pour un géant comme Nelson Mandela. Le film manque cruellement de souffle et de profondeur. Cela donne un feuilleton très bien produit, mais pas au niveau de l'hommage que cette lutte et cet homme méritaient.

Mandela, un long chemin vers la liberté est construit autour de la relation du couple Mandela. C'était une très bonne idée d'approche : les deux représentant des visions et stratégies différentes, cela aurait pu permettre de montrer les dissensions politiques dans le mouvement anti-apartheid, les tendances à l'oeuvre dans l'ANC. Malheureusement, cela est plutôt survolé et on en apprend assez peu sur la diversité des mouvements d'émancipation de cette époque. Le traitement général du film privilégie par moment le sentimental et le glamour.

Le film revient par exemple sur la sortie de prison de Mandela. Il attend Winnie en retard, pour pouvoir sortir tous les deux, main dans la main. Cette attente illustre autant le rapport sentimental qui les unit que l'utilisation politique de ce geste. S'afficher avec Winnie à ses côtés, c'est aussi calmer l'aile radicale de l'ANC pendant un temps. Ce que ne montre pas le film. Comme si parler de politique au cinéma était soit tabou, soit condamné à n'être traité que par des films lénifiants, partisans ou « qui dénoncent ». (soupir...)

Edulcorer politiquement le film, c'est aussi passer à côté de la question de classes : la politique raciste en Afrique du Sud était inextricablement liée à l'exploitation capitaliste d'une majorité noire par une minorité blanche, notamment dans les mines. Différentes options se sont affrontées dans l'ANC pour combattre cette situation. L'émancipation politique et la chute de l'apartheid acquises, ces enjeux de classes perdurent en Afrique du Sud, ce que ne permet pas d'appréhender le film.

Sur le plan international, on a l'impression d'une condamnation unanime. On oublie que le double-jeu a été permanent avec par exemple des livraisons d'armes par la France, dont le programme nucléaire doit beaucoup aux mines sud-africaines... Pire, l'Afrique du Sud a aussi reçu des soutiens qui s'expliquent en partie par le contexte de lutte anti-communiste de la guerre froide. Mais pour parler de cela, il aurait aussi fallu parler du positionnement très à gauche de l'ANC et de l'engagement communiste (ouuuh, gros mot au cinéma...) de Madiba, ou son attachement au mouvement syndical.

La révolte de Soweto en 1976 est bien traitée, et offre un des rares moments de mise en scène intéressant. Pourtant, le film peine à rendre compte de ce qu'était l'horreur de l'apartheid tant en termes de violences physiques, de tueries arbitraires, que d'humiliations et de violences symboliques. On voit le jeune couple Mandela bien habillé, se balader en voiture, aller à la campagne... On serait à deux doigts de croire qu'ils étaient finalement très libres !

Le film aurait sûrement gagné à se concentrer sur la vie quotidienne des townships avec un contrepoint sur Mandela, à l'isolement sur Robben Island avec ses camarades.

Une récente interview de Winnie évoquait le décalage entre un Madiba isolé en prison et la répression violente que vivait son peuple. Le film illustre ce décalage mais l'évolution politique, le mûrissement d'un homme enfermé ne sont pas traités avec la rudesse qu'il aurait mérité. Les rapports de plus en plus fraternels qu'il entretient avec ses geôliers (tandis que Winnie et d'autres sont torturés en prison), la question linguistique (privilégier l'anglais contre l'afrikaans, la langue de l'oppresseur) tout ceci nourrit sa réflexion vers ce qui sera sa future politique de réconciliation. Mais on ne fait que toucher du doigt à un développement pourtant passionnant des choix tactiques qui ont du être opérés. Du coup, quand le film traite des tractations entre Mandela, encore prisonnier, et le pouvoir blanc à l'agonie, on ne saisit pas toute la force du projet qui anime Madiba. De même quand il a dû tenir bon dans la voie de la réconciliation dans la période de transition meurtrière où l'Afrique du Sud était proche de la guerre civile.

Un bon point tout de même : l'évocation du fait que Nelson Mandela n'était pas seul, et la représentation de ces camarades de prison. Le film évite soigneusement le portait idyllique du héros solitaire et parfait. On y voit un homme autoritaire et despotique (éclairé certes). Malheureusement, le film oublie de rappeler que malgré son intransigeance, Mandela était un homme humble, malicieux, au sourire bienveillant et désarmant.

Enfin, grosse faute de goût qui résume peut-être l'esprit consensuel du film : une chanson de U2 en générique de fin.

Antoine Sindelar

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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 09:50

REVES D'OR

 

Trois adolescents guatémaltèques quittent leur vie de misère et tentent de se rendre aux Etats-Unis. Pour cela, ils doivent accomplir un long périple à travers le Mexique avant d'essayer de passer illégalement aux USA. En chemin, ils rencontrent Chauk, un jeune indien du Chiapas qui ne parle pas espagnol et qui se joint à eux. On les suit dans cette galère où alternent les situations sordides, drôles et émouvantes.

Il s'agit d'une fiction fortement ancrée dans la réalité. Le réalisateur a passé du temps avec des migrants et s'est énormément documenté avant de construire son récit. Le choix de personnages adolescents ne sert pas à édulcorer cet exil en une douce fable de formation. Il y a bien une part initiatique mais on est loin d'un gentil voyage de vagabonds Disney ; ce qu'ils vivent est l'abominable réalité de ces migrants attirés par le rêve américain et qui voyagent entassés sur les toits de trains de marchandises.

Rêves d'or montre à quel point ces migrations structurent ces sociétés et comment toute une vie s'organise autour d'elles : activité policière, opérations mafieuses de rapaces exploitant le dénuement et le désarroi des migrants (avec notamment le sort terrible réservé aux femmes) mais aussi d'émouvants gestes de solidarité et d'encouragement à atteindre « l'Eldorado » étasunien.

Au-delà du caractère documentaire, c'est une leçon de solidarité de classe, antiraciste. Chauk subit le racisme anti-indien mais les péripéties du voyage forcent ces damnés de la terre à se rapprocher. A travers son personnage, le film touche alors à la question de l'oppression des peuples autochtones et du rapport à l 'Autre. Quemada-Diez réinvente presque la célèbre scène de présentation entre Jane et Tarzan.

Rêves d'or traite surtout de la démystification du rêve américain. Le film joue avec ce rêve tant sur le fond que sur la forme. Il combine ainsi des éléments du road-movie, du film de gangsters, et surtout du principal de ces mythes fondateurs : le western (l'indien, les paysages, l'attaque de train, etc). Il y a d'ailleurs une référence à Shane (L'homme des vallées perdues)western qui donna envie au réalisateur, enfant, de faire du cinéma. Cette histoire de migration désabusée, c'est aussi la sienne : jeune cinéaste espagnol qui part se confronter au cinéma américain pour finalement se fixer au Mexique.

Mais si Rêves d'or est un film passionnant politiquement, il faut dire aussi combien ce film est beau !

Diego Quemada-Diez a travaillé auparavant avec Ken Loach ; on est pourtant loin de la leçon dogmatique qui appesantit parfois le cinéma de Loach (quand il est en petite forme) et de sa pauvreté formelle. Ici, rien n'est démonstratif, tout est dit avec finesse par les situations et la mise en scène pudique d'un scénario équilibré. Il alterne plans serrés sur les visages, à la beauté émouvante, et plans larges sur le paysage qui défile. On est dans une belle proximité humaniste avec les personnages, amplifiée par le choix de filmer en 16 mm. Contrairement au froid numérique, l'image a du grain, un rendu chaud et sensuel. On est tellement proche que l'on ressent presque les odeurs.

Rêves d'or est un film bouleversant d'humanité et de beauté, interprété à merveille. Un film intelligent et subtil qui nous montre que derrière chaque statistique froide de l'immigration se cache une histoire et souvent des drames.

Antoine Sindelar

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24 septembre 2013 2 24 /09 /septembre /2013 18:02

A toi lecteur ! Pour ta machine à penser...

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 18:58

Pour info :

Le Comité pour la Reconnaissance Sociale des Homosexuel-le-s organise une soirée spéciale lutte contre le Front National à la Maison des associations de Lille sise au 72-74 rue Royale à Lille le mercredi 25 septembre 2013 en la présence d'Enzo Poultreniez, jeune auteur du livre "Face au FN" qu'il nous présentera.

L'accueil se fera dès 19h15 et début des débats à 19 heures 30. Vous trouverez ci-dessous le lien vers la page Facebook de l'évènement : https://www.facebook.com/events/629121547121824/

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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 15:20

A méditer...

" Je crois malheureusement que l'islamophobie et le racisme gagnent peu à peu nos institutions. On attaque jusqu'au droit du travail, on le voit dans cette dernière affaire de quatre animateurs de colonie de vacances qui ont été mis à pied en raison de leur pratique du jeûne du ramadan (...) l'article du contrat de travail est intrinséquement illégal et discriminatoire puisqu'il renie une valeur essentielle des droits de l'Homme concernant la liberté de culte"

Don't Panik, dialogue entre Medine et Pascal Boniface

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 21:28

 

Rencontre avec … 

On a slamé sur la Lune 

oassll

Pouvez-vous nous présenter le collectif ?

Marc-Alexandre (MA) : « On a slamé sur la Lune » en quelques mots, le collectif est une bande de ménestrels, de troubadours, certains diront modernes, d’autres contemporains. Une joyeuse bande de troubadours qui ont choisi de s’associer pour promouvoir un art de vivre et d’écrire. Et aussi un art de dire puisqu’on fait du Slam. J’aime à penser que c’est d’abord un art de vivre que l’on essaie de partager, de transmettre aussi, au travers d’ateliers d’écriture, de rencontres qui sortent du cadre « spectacle vivant » mais c’est des choses qui nous tiennent à cœur. Pour résumé je peux aussi te dire que le collectif « on a slamé sur la Lune » est une OLP, c’est-à-dire une Organisation pour la Libération de la Parole. C’est aussi quelque chose qui est inscrit dans les gènes du collectif.

 

Comment est né cette joyeuse bande de troubadours?

Albert : Différentes rencontres, des rencontres sur des scènes slam lilloises pour certains, et d’autres parfois via des amis en commun, mais il y a toujours le slam qui est le lien de toutes ces rencontres. Et de ces rencontres est née une véritable amitié.

MA : Le collectif est « né sur scène » parce que deux fois par mois j’animais une slam session (soirée café-poésie) avec Chancellor, au Salsero à l’époque. Tous les slameurs qui ont fait partis de cette aventure-là et qui font partis de cette aventure encore, se sont rencontrés là. En dehors il y avait aussi des atomes crochus, par des amis qu’on avait en commun mais c’est vrai que c’est sur cette scène-là que tous ont dit leurs textes et on s’y est reconnu. Parce que moi je crois très fort au fait que nos âmes peuvent se connaitre avant même qu’on se rencontre – je lis beaucoup de bouddhisme et de littérature spirituelle où ces choses-là existent et moi j’y crois profondément- En entendant par exemple Albert slamer pour la première fois il y a des choses qui me parlaient tellement dans ce qu’il disait que je me suis dit « y’a quelque chose », tout comme Chancellor, comme d’autres aussi qui font partis de l’aventure. Et tous les slameurs qui venaient sur cette scène-là n’ont pas fait partis du collectif. Tout en respectant tout le monde, il y a certains des slameurs avec qui on a ressenti des liens fraternels dès les premiers mots en fait. C’est une affaire d’émotion et aussi de correspondance d’idéo, de combat car tout le monde n’écrit pas pour les mêmes raisons. Tout le monde n’écrit pas, quelque fois « contre » la littérature, celle qui se regarde elle-même et qui ne va pas voir ce qu’il se passe ailleurs, et il y avait d’abord ça dans les textes. Je pense qu’on s’est trouvé grâce à nos textes. Et après, comme tu disais tout à l’heure, quand tu sors des textes, les discussions que nous avons à refaire le monde et à boire des verres. A se dire quel est le truc le plus fou qu’on pourrait faire c’est d’aller slamer sur la Lune et puis tout le monde a les yeux qui pétilles à cette idée-là et là je me suis dit, tiens j’ai rencontré d’autres fous rêveurs comme moi avec qui je peux tenter ce pari et voilà. Il y a vraiment ça, donc les mots, la poésie, une passion vraiment organique pour chacun d’entre nous et au-delà de la poésie, ce regard vers l’autre c’est envi de, et partager l’idée que les rêves et les utopies construisent le monde et tout le monde n’a pas ça. Et nous on a trouvé ça, l’envi de faire des choses, de se dire que c’est possible alors que tout le monde te dit que c’est un truc fou.

 

La construction s’est donc faite petit à petit ?

MA : Oui, il n’y a jamais eu de casting au départ, c’est d’ailleurs pour ça qu’on est un collectif d’artistes  et pas un groupe, la nuance est là. Un groupe de rap, de slam ou de rock chaque membre a sa fonction dans le groupe et nous le collectif c’est plutôt une entité ouverte sur le monde et ouverte aux autres et où on respecte finalement les individualités de chacun, des intérêts qui peuvent flirter avec la musique, le théâtre, la danse et en même temps nous avons ce besoin de se retrouver tous autour de thématiques qu’on a choisis pour porter des spectacles, défendre des causes comme ça peut nous arriver.

 

Il y a combien de temps de cela ?

MA : Quelques Lunes, on dira. Plus précisément, pour respecter un peu la question le collectif a maintenant cinq ans d’existence « officielle », on a monté une association il y a cinq ans, mais l’OLP agit depuis sept ans d’une certaine manière. Il y a cinq ans nous avons décidé de créer une association car nous étions souvent contactés par des profs pour intervenir dans des collèges et des lycées et il fallait une structure pour ça, un cadre juridique.

 

Tu en parlais un peu tout à l’heure mais comment décide-t-on d’aller slamer sur la Lune ?

MA : Le nom est né lors d’une soirée d’ébriété intellectuelle. Dans ce moment d’euphorie collective, on s’est dit que la chose la plus folle que nous aurions pu faire c’est sur la Lune. Avec tout ce que ça comportait dans l’image, dans la métaphore, le fait de traverser les océans, d’aller le plus loin possible de nous-mêmes, pour rencontrer l’autre, même si pour le coup il s’agirait d’extra-terrestres mais nous en avons quelques-uns parmi nous (rires), faut donc vivre avec cette idée-là.

Albert : L’idée d’aller jusqu’au bout du monde, d’aller rencontrer l’autre, prendre un bateau et viser le coucher du soleil. Mais il y aussi cette idée de slamer de la Lune, de slamer depuis la Lune et du coup observer la Terre et regarder ce qu’il s’y passe. Se mettre à l’extérieur pour mieux voir les choses, s’extraire du monde courant, observer la Terre sous toutes ses facettes possibles et de clamer à la Terre tout l’amour qu’on a pour elle évidement et surtout aux humains. Ainsi avoir un regard sur une face par exemple sur l’Afrique, et comme un miroir faire refléter ce que l’on voit vers l’Asie, ver l’Europe. Etre finalement le lien de partage entre les gens.

 

Pourquoi avoir choisi le slam ?

MA : Je pense que chacun a sa raison, mais moi je répondrai que c’est venu naturellement, aussi naturellement qu’un oiseau se pose sur une branche. On écrivait déjà tous avant même que le slam existe dans les médias et sans savoir que ca pouvait s’appeler comme ca. Car le slam est un fait un mouvement à la mode depuis les succès commerciaux. Grand corps malade, Abd Al Malik, c’est grand public en France. On écrivait donc déjà de la poésie, des nouvelles, des romans, du théâtre et le slam a une liberté totale dans l’écriture. Nos amis qui rap par exemple, ont le cadre, le beat, l’instru pour poser leur texte, il y a un refrain, des couplets… Or dans le slam, tout était à faire, c’est-à-dire que tout est libre, tu peux avoir une tirade de quinze pages sans aucun refrain comme tu peux le faire de manière plus « chanté », c’est toi qui décide ce que tu as envi de partager et comment tu veux le partager avec le public. Cette liberté là elle est très attirante pour un auteur qui découvre qu’il peut dire ses textes parce que finalement il n’a pas à ressembler à qui que ce soit, il n’a qu’à être lui-même et essayer d’être le plus sincère possible. C’est la force du slam, c’est qu’on est tous capable d’aller slamer, en chacun d’entre nous sommeille un slameur puisqu’on a tous des émotions qu’on peut décider un jour ou l’autre de partager. Moi j’ai découvert le slam à travers un film et un personnage qui aussi un personnage dans la vie, Saul Williams, champion de « spoken words » aux Etats-Unis parce que « slam » là-bas ce sont les compétitions et l’art c’est le spoken word. Quand on parle de slam session c’est une compétition où les artistes de spoken word viennent confronter leur texte et à la fin le public décide qui a été le meilleur poète de la soirée.

 

A qui s’adressent vos textes ?

20398815-avatar largeAlbert : l’écoute reste libre à qui a envi d’écouter et de partager. Ca va de l’enfant de deux ans qui ne comprendra pas tout mais qui va percevoir un certain rythme, et ca va le faire rire, à la personne âgée de quatre-vingt, quatre-vingt dix ans. Nos textes sont dirigés vers tout le monde, peu importe l’âge, la condition sociale…

 

MA : Qui veut partager… Pour nous le slam avant d’être un mouvement ou une discipline artistique, le slam est un moment d’humanité. Et lorsqu’on est sur scène pour un spectacle ou une performance artistique, quand on est engagé auprès d’une association pour défendre une cause, il y a toujours cette invitation au partage, cette invitation au voyage poétique. Il y a un réel échange qui passe comme ca avec le public et c’est ca qui nous nourrit aussi et qui nous donne envi de continuer à faire de la scène. Ces moments-là sont uniques. Ce que tu ressens en sortant d’une scène slam en Afrique du Sud, au Sénégal ou à Lille , les rapports que tu peux avoir avec les gens qui viennent te voir à la fin et de l’émotion qui a fait échos en eux, qui a fait resurgir des choses. Et ca c’est génial, car on écrit on a beau être enfermé dans une forme de solitude et puis quand on « dit », cette solitude là elle explose totalement. Et la personne qui reçoit, interprète, mais par rapport à sa propre vie. Un exemple d’une des dernières fois, c’était dans le Pas-de-Calais, lors d’une scène, en première partie, des jeunes avec qui on avait fait un atelier d’écriture slam, un monsieur vient nous parler de la guerre et nous à aucun moment on avait parlé de manière « concrète » de guerre dans le texte sauf que dans ce qu’il avait entendu de mots de résistance, de mots d’idéal, de valeur, ca l’a emmené dans sa propre histoire et donc resurgir en lui les raisons pour lesquelles il s’était engagé dans la résistance. On se retrouve avec un monsieur de quatre-vingt cinq ans, je crois, qui est venu s’assoir à table avec nous, qui était encore bénévole dans une association, qui venait donner un coup de main, et il nous a raconté, « moi je me suis engagé dans la résistance, parce que… ». Un monsieur « chti », bien bien d’ici, qui nous parlait à nous d’ici et d’ailleurs. On avait ca en commun, alors qu’on n’était pas de la même génération… et c’était génial alors que nous étions admiratifs de la vie qu’il a eu et du combat qu’il a mené des causes qu’il a défendu, lui nous disait à quel point il était touché par ce qu’on fait. Et c’est grâce à des gens comme lui, qui a prit les armes pour défendre une liberté à laquelle il croyait, qu’on peut aujourd’hui s’assoir à la même table et échanger et que le monde a évolué un petit peu, même s’il reste encore plein de choses à faire. Et le slam je pense est un mouvement qui permet cela, car ca aboli cette frontière qu’il y entre l’artiste et celui qui ne l’est pas. Parce que les textes une fois qu’ils sont échangés, on se rend compte que c’était juste un être humain derrière un micro et c’est aussi un être humain qui a reçu, qui a ressenti. Il n’y a pas de « starification » ou tu es sur tes grands chevaux, dans ma loge, j’ai fait mon truc et je m’en vais. Et donc il y a ce côté humain, et j’espère qu’il sera toujours présent lorsqu’on parle de slam.


Quels sont les messages que vous voulez faire passer ?

Albert : Des messages, il y en a beaucoup… il y en a énormément. Mais ils se croisent tous sur cette notion d’humanité, de partage, de faire écho à, donner la voix à ceux qui n’en n’ont pas…

MA : Il y a  certains messages qui englobent tous les autres. Notamment, je disais tout à l’heure « les rêves et les utopies construisent le monde », et c’est quelque chose auquel moi je crois profondément et que j’ai envi de transmettre, déjà à mes enfants et à ceux qui nous prêtent, ceux qui nous « offrent » leur écoute. C’est vrai qu’on vit dans un monde qui a tendance à enfermer dans une forme de cynisme fécond et où on dit c’est chacun pour soi, et nous on a envi de dire non, il y a d’autres voies/voix, d’autres choses, d’autres manières de vivre. Dans une salle de deux cents personnes, s’il n’y a que dix personnes qui ressentent ca,  tant mieux, et ces dix personnes la, au fur et à mesure que d’autres s’y associent et c’est un mouvement de pensées qui se crée comme ca de part le monde et de gens qui échangent autour de ca.

 Le texte d’un ami par exemple qui dit : « n’acceptez jamais les règles qu’ils ont fabriqués, n’acceptez que les rêves que votre cœur veut abriter ». Ca c’est un message, notamment aux jeunes générations à qui on dit d’arrêter  de se plaindre du système. Au-delà de « s’indigner » comme le dit si bien Stéphane Hessel, mais aussi, « engageons-nous », s’engager modestement, chacun à son échelle. Et c’est comme ca qu’on peut changer les choses. Et si le slam peut servir à ca, tant mieux ! Et nous au collectif on s’en sert lors des interventions avec les jeunes, ils sont tous excités, curieux dès que la prof dit qu’on va faire du slam, et finalement on aborde des questions citoyennes. L’impact est parfois plus important que lors d’une simple intervention citoyenne.

 

Albert : On  aurait bien pu se limiter à faire du slam avec un texte rythmé, avec de jolies rimes et super chantant, mais sans fond derrière et donc sans sens. Nous on pense que le sens et l’étique vaut plus que l’esthétique. Il ne faut pas que les jeunes qui nous auront écouté sortent de là et se disent « cool c’était sympa », mais « au fait t’as gardé quoi toi ? ». Il faut qu’on arrive à se poser les bonnes questions sur soi-même et sur son rapport avec les autres. On parle de l’engagement citoyen, où doit se diriger cet engagement ? Comment je fais ? Comment j’entreprends ce « combat » ?

MA : Ce sont des choses dont on a hérité et il faut les transmettre. Les combats qu’on mène aujourd’hui, d’autres les ont menés avant nous, pour certain résultat et à nous de les faire perdurer. Et de toute façon on partira et on les léguera. Les arts que nous pratiquons, nous ont précédés et nous survivront. Le « power to the people » à Soweto ou aux Etats-Unis pendant la ségrégation, les luttes pour la décolonisation, l’engagement de leaders comme Sankara, comme Lumumba, et de tellement d’autres, ces combats pour le mieux vivre de la multitude. Et ces combats-là on les poursuit modestement d’une certaine manière et on les transmettra. Car quand on sera parti, tout ne sera pas réglé, tout sera encore à créer et à faire.  Mais se dire qu’on a donné du sens à sa vie à travers des actes poétiques, ou politiques pour ceux qui s’engagent, car la politique nous parle à tous, la définition propre du mot « politique » c’est l’organisation de la cité. Pour nous écrire de la poésie c’est prendre parti et prendre parti c’est avoir envi de participer à l’organisation de la cité, la société, le monde dans lequel on vit. Il ne suffit pas d’écrire, il faut que les actes aussi suivent parce que lorsqu’on s’engage et qu’on parle de vivre-ensemble ce n’est pas pour se retourner et regarder l’autre avec un regard inquisiteur. Il faut garder une certaine cohérence. Et on essaie modestement d’être à la hauteur des idéo qu’il y a derrière nous. Ce n’est pas toujours facile car nous sommes que des hommes, avec nos faiblesses et nos aprioris tous. Etre un homme c’est aussi être capable de reconnaitre ca, qu’on est tous capable de ressentir de la xénophobie, de la méfiance envers l’autre, envers l’étranger car on est tous les étrangers de quelqu’un au final. Et la poésie nous aide déjà à voyager à travers ca, car nous aimons la poésie française, la poésie antillaise, la poésie orientale, ou encore américaine, et c’est intéressant de voir les correspondances qui peuvent circuler dans toutes ces pensées là. Moi je me souviens de moment de jubilation totale en lisant certains textes de Mahmoud Darwich, car j’ai senti des choses chez lui que j’avais vues chez Edouard Glissant. La poésie c’est la pensée du monde, d’ailleurs lorsqu’on né, on ne précise pas dans quel pays, mais on dit « je suis venu au monde » et pas « je suis venu au Cameroun » ou « je suis venu au Liban », on dit « je suis venu au monde » et ca veut bien dire ce que ca veut dire dans le rapport qu’on doit avoir avec le monde.

Et lorsqu’on sent ces pensées la qui circulent, on a envi d’aller vers l’autre, de croire qu’on peut vivre en dehors du cynisme et de tout ce qu’on essaie de nous imposer comme manière de penser le monde. Le repli identitaire, chacun pour sa gueule, Non, il y a d’autres formes de vie ensemble. Et nous on l’a expérimentés au-delà du slam, en voyageant. En se sentant chez nous à Johannesburg, à Dakar alors qu’on y a jamais mit les pieds avant, en allant aux quatre coins du monde, en retrouvant à chaque fois, des sensations qui nous faisaient nous sentir chez nous car les gens nous accueillaient, nous écoutaient, alors que quelque fois il y avait la barrière de la langue mais ils nous écoutaient, et on s’est rendu compte qu’on parlait la même langue, la langue du cœur.

Qui vous inspirent ?

MA : Mes parents d’abord. Ils m’ont aidé à élevé mon esprit. Puis après les lectures, les poètes rencontrés à l’école et en dehors de l’école. Ceux qui ont justement dans leur poésie toujours été au contact du monde, qui n’ont pas passé leur temps à faire de la « masturbation intellectuelle ».

 

Des exemples de noms peut-être ?

MA : Aimé Césaire, Edouard Glissant, René Char, a qui je dois mon pseudo en parti, Kateb Yacine, Kundera, Arrabal, Mahmoud Darwich, Damas, Senghor, Césaire, c’est le trio de la négritude. Et d’autres auteurs que je découvre. Comme plus récemment j’ai découvert grâce à Albert un poète qui s’appelle Félix Morisseau-Leroy, un poète haïtien, Franck Etienne lui aussi haïtien. Et au-delà des poètes il y a des hommes qui ont eu des actes forts, de Mandela à Gandhi, en passant par Sankara, Lumumba, qui ont poser des actes de résistance contre l’occupant, ces histoires racontées par les grands-parents, les parents.

Albert :Evidemment les parents, Félix Morisseau-Leroy, poète écrivain, qui était en fait mon grand-père. J’ai commencé à écrire avant de le rencontrer. Tous les auteurs de cette génération là et de cette génération actuelle qui écrivent en s’ouvrant aux autres, en invitant à un voyage. Et surtout en détruisant la notion de fatalité, que tous est possible, on peut détruire ce qui est « aujourd’hui » et créer « demain » ou transformer ce qui existe pour le rendre meilleur. L’histoire de Mandela, ca date d’hier, ce n’est pas si vieux que ca, pourtant ce n’était pas écrit, et pourtant, regarde ce qu’il est devenu. Si le système actuel ne nous plait pas, ou on considère qu’il ne nous convient pas, dans ce cas créons-le, imaginons ce qui pourrait faire qu’il serait meilleur ! Nous n’avons aucune raison de nous résigner !

 

Pouvez-vous nous citer un passage de vos textes qui vous décrit le mieux ?

MA : Avant de citer nos textes, je voudrais d’abord t’offrir trois citations qui ne sont pas de moi. Aimé Césaire : « La justice écoute aux portes de la beauté », cette phrase est magnifique dans le rapport qu’elle a de l’éthique et de l’esthétique. Il ne peut y avoir de beauté sans justice. « Gardons nous de croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur ». Passer sa vie à laisser faire les choses, laisser dire les autres… c’est quelque part ne pas vivre. Edouard Glissant disait : «  Agis dans ton lieu, penses avec le monde ». Ce sont des choses qui nous parlent de manière intime et qu’on essaie d’appliquer. On est lillois de manière « géographique » mais penser ca va au –delà du lieu où on nait, du lieu où on vit.

Aujourd’hui, même si l’on ne va pas vers le monde, le monde s’invite chez nous. Simplement à travers la fenêtre télévisuelle. On assiste au désastre du monde ou au bonheur du monde en étant assis dans son canapé.

Franck Etienne lui disait, car c’est important de le citer : « Rêver c’est déjà être libre ». C’est une phrase que j’ai sous mon oreiller depuis l’âge de seize ans, j’en ai trente cinq aujourd’hui, le papier est un peu froissé mais le rêve lui continu.

 

Albert : Exercice difficile car chaque ligne de notre propre texte nous définissent. Chacune des lignes correspond à une goutte de mon sang. Je vais te citer des passages d’un texte que j’ai commencé il y a longtemps, qui a eu une première fin et qui a une suite. Commencer sur une chose et se rendre compte qu’on peut aller plus loin. Tout ca pour dire qu’on ne peut pas se limiter à une seule fin. 

« J’écris mes peines, mes joies, les tiennes et les siennes,

Écrire juste ce que je vois pour qu’on me et les comprenne »

« Crier les non droits de l’Homme »

MA : «  Ecrire pour qu’on me et les comprenne », cette raison en tout cas d’écrire est une belle raison d’écrire. Et avant d’être belle elle est avant et surtout profondément humaine. C’est quelque chose qu’on partage tous, ce besoin, ou envi pour d’autres, d’écrire pour tous. Ecrire au départ c’est égoïste, mais c’est un égoïsme qui passe par l’altruisme, par la générosité car il ne vaut que pour les autres aussi.

 

Une dernière question ? Mis à part le slam, que trouve-t-on d’autre dans vos têtes ?

MA : Rires. La vie, l’amour, la famille… Mais tout est lié. Par exemple quand je vais te parler d’amour, je vais penser à mes enfants et je vais penser que chacun d’eux est un poème donc je reviens forcément à la poésie… De ma famille, pareil…

 

Myspace d'On a Slamé sur la Lune : ici

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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 00:15

Sortie imminente du livre « Omerta dans la police » : mise en lumière de violations de l’éthique et de comportements discriminatoires au sein des forces de Police.

C’est avec un grand intérêt que le MRAP et SOS Racisme accueillent la sortie en librairie – demain, jeudi 14 octobre 2010 - du livre « Omerta dans la police », rédigé par la fonctionnaire de police Sihem SOUID. Cet ouvrage révèle certaines pratiques discriminatoires très choquantes au sein des forces de l’ordre.

L’auteure, anciennement affectée à la Police de l’air et des frontières (PAF) de Paris-Orly, témoigne des dégâts causés par la « politique du chiffre », en matière de lutte contre les immigrés « irréguliers » ou supposés tels. Le livre décrit une mentalité, façonnée par la Hiérarchie administrative qui somme les policiers d’« éloigner » tout « Individu non admis sur le territoire français », réduit au simple sigle d’INAD.

On apprend ainsi qu’une supérieure hiérarchique avait oralement ordonné aux policiers de la PAF de froisser certains passeports afin de pouvoir les considérer comme « suspects » et de refuser ainsi l’entrée sur le territoire. Un homme d’affaire états-unien, en transit pour Tunis, en avait fait les frais pendant 48 heures, jusqu’à l’intervention de son ambassade. Ainsi, les fonctionnaires de police voient leur rôle réduit à l’inscription de « bâtons dans une colonne » intitulée « Chiffre ».

Il convient d’y ajouter un quotidien marqué par des propos racistes et dégradants, tels que : « Voilà encore un avion de nègres ! » Ou : « Encore des bougnoules ! ». Et ce, pour quelle réaction de la Hiérarchie dûment informée ? L’auteur d’une telle remarque aurait été promu.

Quant à Sihem SOUID, elle s’est elle-même retrouvée victime de brimades et de discriminations, après avoir témoigné en faveur d’une collègue homosexuelle systématiquement harcelée par une supérieure. Ayant déposé plainte pour discrimination et harcèlement moral, en 2009, avec six autres collègues, les sept policiers ont eu la déception de voir leur plainte classée sans suite par le Parquet de Créteil en avril 2010. C’est ainsi qu’a été déposée une nouvelle plainte avec, cette fois, constitution de partie civile. La HALDE, également saisie du dossier, n’a encore à ce jour publié aucun avis.

Le MRAP et SOS-Racisme prennent acte de ces témoignages fondés sur une expérience vécue à l’intérieur même des forces de la PAF. Ils confirment malheureusement les sévères critiques exprimées de longue date à l’encontre de la déshumanisante « politique du chiffre ». En outre, le livre pose aussi avec force la question des abus de pouvoir, des comportements discriminatoires, des violations de l’éthique professionnelle au sein des forces de l’ordre.

Les deux associations ont entamé ensemble une réflexion approfondie sur les réponses à apporter à ces graves problèmes, notamment par la création d’une structure susceptible d’assurer un « droit de regard » éthique et citoyen sur les pratiques des forces de l’ordre. Il s’agit là d’une urgence d’autant plus pressante que le gouvernement entend mener à terme la mort programmée de la CNDS (Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité) dont on ne peut que saluer l’indépendance et l’exigence morale.

Paris, le 13 octobre 2010.

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